Je vous avais prévenu. Même si la météo n’est pas vraiment de la partie c’est le printemps. Et c’est plus particulièrement le printemps des potes, avec plein de projets d’amis qui sortent ces semaines-ci. Après la fin du Glory de Joe Keatinge, la sortie d’Exil par Jean-Marie Minguez, voilà donc le moment de vous parler de Miss Deeplane, par le dénommé Louis.
Quand je travaillais dans la presse quotidienne, il y avait un truc que je détestais absolument quand je faisais un article sur un auteur ou un artiste… C’est le moment où un type rappliquait pour me dire que c’était lui qui l’avait découvert ou qui lui avait donné sa chance. Il y avait ainsi un bonhomme qui, en gros, était ainsi convaincu d’avoir « fait » tous les auteurs de la région et qui débarquait avec de gros sabots pour dire « et surtout précisez-bien que c’est nous qui l’avons découvert« . La chute du gag ? Le type était mythomane et la moitié du temps les personnes dont il parlait ne le connaissaient même pas. Il y a de très rares cas (un mécène ou un Pygmalion) dans lesquels je peux comprendre qu’une tierce personne ait vraiment joué un rôle dans le lancement d’un artiste. Mais la plupart du temps c’est du vent. Si l’artiste n’avait pas commencé chez tel éditeur, sur tel projet, il aurait commencé ailleurs. En général quand quelqu’un me dit qu’il a « découvert » ou « lancé » un auteur, il me donne l’impression de tenter de s’attribuer une partie du talent et de la réussite de la personne concernée. Mais visiblement Louis (le co-créateur de Tessa) garde un souvenir indélébile de ses premières parutions.
Son héroïne, Miss Deeplane a une histoire un peu particulière parce qu’il la dessinait déjà il y a une douzaine d’années dans le défunt magazine Dixième Planète. Et à côté de ça il a vite publié des dessins dans les pages de Comic Box avant de partir pondre des albums de BD à gogo toutes ces dernières années. Et donc, il y a quelques mois, le Louis commence par publier un recueil de pin-ups de Dee-Plane puis un album où son personnage devient une super-héroïne. Et là, Môssieur décide qu’il faut absolument qu’on lui fasse une préface parce qu’on était là à ses débuts. Pour les raisons évoquées ci-dessus, mon premier réflexe fut de le menacer d’une grosse pierre en criant « NON ! Et si tu évoques à nouveau le sujet je te marave la tête à coups de caillou !!!« . Enfin bon, comme Louis et moi sommes amis, j’ai jugé bon de le formuler autrement, plus diplomatiquement. Mais l’idée générale c’était ça. Louis, d’après moi (et pas mal de monde sans doute), s’est fait tout seul en termes de carrière et en parcours artistique. Mais enfin bon il est têtu le bougre. Ou il a le chic pour ne pas comprendre. Bref, les emails se sont succédés sur le ton de « Dis, pour ma préface ? Ca avance ?« . Plus tard sont arrivées les menaces du genre « Je sais où tes enfants vont à l’école« . Comme ça ne marchais pas, il a commencé par me citer dans une de ses cases, comme un des interviewers de son héroïne. Il est devenu évident que je n’y couperais pas. L’idée m’est venue d’écrire un petit texte (finalement publié en intro de son album) pour expliquer pourquoi, d’après moi, il ne devait rien à personne d’autre que lui. Ca, ce sont les coulisses du pourquoi du comment finalement j’ai trouvé le moyen de lui faire sa préface sans trahir mon impression première.
Visiblement, une préface et une citation ça ne suffisait pas au sieur Louis. Alors qu’on parlait pas mal de nos projets respectifs, il a fallu qu’il me rajoute (avec quelques années en moins) dans une des pages. Et quelle page puisqu’elle figure vers la fin et que j’y suis en excellente compagnie (essentiellement la crème des super-héros français). Il y a deux ans j’avais parlé ici de l’effet Biagio de Cesena, qui revient à réaliser qu’on se retrouve injecté dans une œuvre. Donc après qu’Olivier Ferra ait ressuscité (en petit dans un coin de page) mon visage adolescent dans « TüSS – My Life« , après que Joe Keatinge m’ait tué dans Glory, me voilà en super-héros dans l’album Miss Deeplane. Mais ce n’est là qu’une anecdote dans la globalité du projet de Louis et Vera Daviet. Parce que, plaisanteries mises à part, Miss Deeplane (l’héroïne comme l’album), marche à la passion. Parce que Miss Deeplane sort comme un pied-de-nez à l’attention d’une industrie de la BD bien souvent trop frileuse sur les projets de genre. Parce que Louis, en plus, y a justement ajouté des questions de genre et de sexualité par parce que c’est à la mode mais bien parce que c’est un homme de convictions. Parce que c’est plaisant à lire… Bref, en dehors des pirouettes, j’aime bien l’idée que dans un autre monde (en 2D) mon alter-ego se retourne vers Photonik et les autres, après avoir fracassé la menace et lui dit « Bon, maintenant, on se la fait cette binouze ?« . Le Xavier réel, lui, en sera quitte pour boire la dite binouze avec Louis au prochain Comic Con, ce qui n’est pas mal non plus. Je ne suis pas sur que cette litanie vous ait forcément bien vendu l’album à sa juste valeur (Ah si ! Je sais ! Il y a des scènes de sex ! Courrez l’acheter ! Ca sort chez Clair de Lune et c’est en vente dans toutes les bonnes librairies). Mais c’est un très bon album et pas parce qu’il a gâché quelques centimètres pour m’y glisser parmi les guests. C’est bien parce que c’est un excellent album que… Hell yeah, ca fait plaisir d’en être !