Et il y avait ce nom, Jacques Sadoul, qui revenait dans chaque tome. A l’époque, n’étant qu’un consommateur, je ne voyais pas bien comment cela pouvait se passer de l’autre côté. C’était bien simple : pour moi, un bouquin de Philip K. Dick qui ne paraissait pas chez J’ai Lu sortait un peu plus tard au Livre de Poche ou quelque part ailleurs et du coup j’imaginais qu’un directeur de collection ne servait pas à grand chose. Le travail qu’il faisait, si ce n’était pas lui, quelqu’un d’autre le ferait… En tout cas c’est ce que je pensais quand j’étais gamin et que je dévorais mes premiers romans de SF. Qu’est-ce qu’on en avait à faire du responsable éditorial ? L’important c’était l’auteur, le roman… Et ca sortirait de toute façon. Sauf qu’un jour il a bien fallu que je me rende à l’évidence : il n’y avait finalement que J’ai Lu qui sortait ces compilations de nouvelles un peu datées. Et il n’y avait donc que ce Jacques Sadoul qui faisait cela.
A force, il y a bien fallu voir ce qui avait été sous mon nez, à savoir que le nom de Sadoul figurait dans un bon nombre de mes bouquins préférés. En fin de compte c’est via les choix de Sadoul que j’ai découvert Tim Powers (« les Portes d’Anubis ») et les autres… A la grande époque, quand je terminais mes études, le bus qui traînait des heures m’a permis d’en lire à n’en plus finir. De mémoire quand même mon record doit se situer autour de 16 romans en 15 jours. Je les dévorais. Je les lisais tellement vite qu’ils n’avaient pas le temps de se corner. Je les ai encore quelque part sur des étagères et pour la plupart, serrés les uns contre les autres, même si je les ai relu depuis, ils sont comme neufs. Et dans le tas, les J’ai Lu sont quand même le gros de la troupe…
Donc découvrir les mémoires de Sadoul c’est un peu comme lever le voile sur le secret des coulisses d’années d’éditions… Et Sadoul raconte ça avec un petit côté rock’n’roll qui n’est pas pour me déplaire… Les premières conventions de SF, ses amitiés avec des créateurs de légendes… Et ses pieds de nez à des gens du métier et leur propres préjugés. Ce qui est drôle c’est qu’en lisant son bouquin, en plusieurs endroits, quand il parle des détails de la sortie de tel ou tel livre je suis capable de me remettre dans le contexte puisque j’étais de l’autre côté de la chaîne, découvrant le bouquin dans une Maison de la Presse ou un kiosque de gare. Alors du coup quand il parle de telle anecdote, on se dit « ah tiens alors voilà ce qu’il a fait pour que je lise ce truc ».
C’est assez drôle. Ca ne se lit pas comme des mémoires pontifiantes mais un peu comme une rencontre avec quelqu’un qui aurait arpenté les mêmes moments, quand bien même sous un angle différent. Quand Sadoul dit « C’est dans la poche !», ce n’est pas forcément dans la sienne. On repense plutôt à tous ces volumes qu’on s’est traîné au fond d’un sac ou dans la poche intérieure. Finalement, c’est son récit, ce sont ses souvenirs mais ce sont aussi un peu les nôtres de « mémoires », pour peu que vous ayez beaucoup lu dans les années 70, 80 ou 90…
« C’est dans la poche ! » de Jacques Sadoul
Chez Bragelonne
Disponible (entre autres) à la FNAC