Vu aujourd’hui Defiance, nouveau feuilleton de science-fiction lancé en grandes pompes cette semaine par la chaine SyFy, et de manière pratiquement synchronisée avec un ensemble de chaînes à travers le monde. En prime Defiance a aussi un dérivé en jeu vidéo à travers lequel le spectateur/joueur est supposé interagir avec l’univers du show. Il est clair que SyFy y croit, fort de l’expérience du scénariste du show, Rockne S. O’Bannon (Farscape). Il y a de l’argent à l’écran, des effets spéciaux et des acteurs sympathiques… Mais il n’empêche que c’est ce que j’appelle de la « science-fiction froide »…
L’intrigue de Defiance c’est que dans un futur proche (comprenez d’ici quelques mois) un ensemble de peuples extra-terrestres va arriver dans l’orbite de la Terre dans l’espoir d’y trouver refuge. On fait un bond dans le temps de trois décennies et une partie de ces boat-people se sont bel et bien installés sur la planète, la transformant au passage par une terraformation plus ou moins accidentelle. Il reste bien des arches en orbite mais ce sont des ruines et elles viennent régulièrement s’écraser sur Terre, compliquant encore la chose. Jeb Nolan (Grant Bowler) est le père adoptif d’une jeune extra-terrestre nommée Irisa (Stephanie Leonidas, qu’on avait vu en 2005 avec moins de maquillage dans MirrorMask). Tous les deux ils sont chasseurs d’épaves. Ils repèrent les points d’impacts où des arches vont venir s’écraser pour mieux pouvoir y récupérer toute technologie de valeur. Mais ils ne sont pas les seuls à chercher ce genre de trésor. C’est la loi de la jungle et ils vont se retrouver un peu malgré eux dans un endroit nommé Defiance…
Et là, le drame, c’est que malgré les moyens déployés, cela fait déjà vu. Et à plusieurs niveaux. Si vous avez dit District 9 (le film de 2009 qui voyait l’installation d’extra-terrestres en Afrique du Sud) vous avez… tort. Bien avant de lancer Farscape, Rockne S. O’Bannon avait écrit Alien Nation (« Futur immédiat, Los Angeles 1991« ), film puis série TV qui racontait l’arrivée d’un vaisseau de réfugiés extra-terrestres et leur intégration compliqué sur Terre. Le policier humain Matthew Sykes (James Caan) se voyait confier contre son gré un nouveau partenaire, Sam Francisco (Mandy Patinkin). Alien Nation se voulait une parabole assez peu subtile sur l’intégration des noirs dans la société. 25 ans plus tard Rockne S. O’Bannon a visiblement de la suite dans les idées (ou une capacité à se convaincre que ça ne va pas voir). Cette fois, il y a donc sept races d’aliens et devinez quoi ? Le héros principal du show, flanqué d’une extra-terrestre, va vite se retrouver le shérif de la ville de Défiance (anciennement Saint-Louis). Car, c’est bien connu, quand vous êtes un étranger la mairie se propose de vous proposer le poste le jour où vous arriver en ville, même si votre cv n’est pas reluisant (c’était déjà le cas dans Terranova et, dans une moindre mesure, dans Eureka)…
Defiance, sous le vernis de la SF, c’est un western. Je réalise qu’on pourrait dire ça d’un bon nombre d’œuvres d’anticipation (par exemple le Livre d’Eli, Mad Max… sans oublier Firefly). Mais là, les auteurs n’y ont pas été avec le dos de la cuillère. Il n’y a pas que l’étoile du shérif qui est là pour nous le dire. Le côté extra-cosmopolite de Défiance se veut à l’évidence une parabole (à nouveau assez peu subtile) de la fondation des USA et du melting-pot, les immigrés et les indigènes s’unissant alors contre les dangers de la « nouvelle frontière » américaine. Et, des fois que vous n’auriez pas compris que c’est un western au bout de deux minutes dans le show Nolan entonne un air de Country, repris par sa fille adoptive. Plus loin, toute la mécanique du show se résume à çà : Le héros arrive en ville, se tape la prostituée du saloon puis se retrouve à organiser la défense parce que les méchants indiens (pardon, une des sept races qui refuse de s’intégrer) va attaquer pendant la nuit. C’est d’une transparence à toute épreuve. Quitte à le faire peut-être aurait-il mieux valu y aller franco, en faire quelque chose de steampunk, placer le tout à l’époque du Far-West. Ah mais non voyons, c’est vrai, Cowboys & Aliens a fait un four, ce n’était donc pas possible… Dans le genre « pseudo-subtil » on a aussi le choix de Saint-Louis pour le site de Defiance. « Parce que vous comprenez les aliens ils sont venus dans des arches. Alors on va prendre une ville avec un monument en forme de grande arche…« . C’est vraiment enfoncer le bouchon…
Mais il y a surtout le casting des sept races extraterrestres dont la plupart ressemblent à des refusés de Star Trek: Voyager ou de… Farscape. Comprenez-par là que je veux bien que dans les années soixante on pouvait croire que pour symboliser un extra-terrestre il suffisait de sortir des oreilles en pointe. Mais là les créatures de Defiance sont datées, ressemblent à celles de shows de 1995 ou 1998. Il y a une jolie brochette d’acteurs et d’actrices. Julie Benz dans le rôle de la maire de Defiance, Mia Kirshner en fille de joie/tenancière de saloon ou encore Jaime Murray en extra-terrestre pâle et manipulatrice (Stahma Tarr)… Il y a du beau monde. Mais tout ça est tiré vers le bas par un manque d’imagination au niveau des créatures. Quand on voit qu’une des races se distingue seulement parce qu’elle est albinos… l’ambiance vire (sur le plan créatif) au cheap alors pourtant les moyens sont là. Rockne S. O’Bannon nous refait des feuilletons de SF comme il les faisait déjà il y a 20 ou 25 ans et ça, au delà des apparences, au delà des problèmes de maquillage, c’est le vrai problème. Parce qu’entretemps la TV américaine est passée à d’autres choses, avec une bien plus grande férocité. Pendant que les extra-terrestres de Defiance se comportent encore comme s’ils étaient un énième ambassadeur accueilli à bord de Star Trek: Deep Space Nine, il y a maintenant des séries comme Game of Thrones qui s’y entendent autrement mieux pour confronter différentes factions et pour dresser les portraits complexes de personnages manipulateurs. Face à la Cersei Lannister de GoT, au Benjamin de Lost et à d’autres personnages de shows de ces dernières années, la blanche Stahma Tarr a beaucoup, beaucoup de retard… Et ça, toute la beauté de Julie Benz ou de Jaime Murray n’y pourra rien…