Juste au moment où vous pensiez que j’allais exclusivement vous parler de super-héros, il faut marquer un temps d’arrêt. Car il ne faudrait pas croire non plus que seuls les comic-books ont formé mon imaginaire. Par exemple j’ai un souvenir assez net d’où je me trouvais le 3 juillet 1978 en fin de journée. J’étais avachi sur le canapé familial en train de regarder ma TV, les « programmes pour la jeunesse« . Je n’en attendais pas grand chose. Si ce n’est qu’une fois passé l’introduction de l’émission, j’allais me prendre une baffe magistrale… Mais qu’est-ce que ce que c’était que ce truc ???
Petit retour en arrière. Mon premier contact avec la Science-fiction ne date pas de la pratique régulière des comics. Un peu avant de tomber sur les « super-héros de Stan Lee », j’avais découvert Cosmos 1999 (Space: 1999 pour vous puristes), diffusée dès 1975 sur TF1 dans « Samedi est à Vous », émission machiavélique où les spectateurs étaient supposés voter pour les séries qu’on allait voir (ce qui fait que d’une semaine à l’autre vous n’étiez pas à l’abri de ne pas voir la suite, que le choix de la France se reporte sur d’autres séries et que le samedi en question devienne aussi triste qu’un épisode de l’Homme du Picardie). Cosmos 1999 nous proposait ni plus ni moins que la Lune… Enfin la Lune du futur. Mais un futur qui n’était pas éloigné de plusieurs siècles, qui était au contraire « daté », proche de nous.
Dès le générique s’affichait la date, 13 septembre 1999, le moment où une explosion fantaisiste projetait la Lune dans l’hyper-espace, hors du système solaire, emportant avec elle les habitants de la base lunaire Alpha. Et là, roulements de tambour, le commandant Walter Koenig (Martin Landau) se retournait vers le spectateur, suivi par Helena Russell (Barbara Bain) et Victor Bergman (Barry Morse), les têtes d’affiches d’une série amplement dérivée de Star Trek (qui n’était pas diffusée en France à l’époque) mais autrement plus poétique, avec d’improbables aliens peuplant les mondes qui étaient sur la nouvelle trajectoire de la Lune. Même si les effectifs de la Base Alpha semblaient habillés dans des invendus de pyjamas Mikava, c’était carrément la classe. 1999 c’était un avenir à portée de main, étrange, familier et qui contenait plus d’action (ah, les décollages des Aigles Noirs) que le tout venant des séries de la même période. Bref, Cosmos 1999 m’avait scotché à la SF. La série initiale (très différente de l’horrible saison 2) était trop courte mais passionnante. Et puis bon, Barbara Bain quoi…
En 1977, vous me direz donc que, logiquement, le choc suivant fut la diffusion du dessin animé de Spider-Man mais… pas vraiment. D’office le cartoon m’avait fait l’effet d’un dérivé, d’une copie. Je ne trouvais pas vraiment la même énergie dans le Spider-Man du petit écran que ce qu’on voyait dans Strange. Et le doublage, désastreux avec ses voix à l’accent suisso-canadien et ses exclamations dignes de Guignol (du genre « Gniark Gniark l’Araignée ! Vil Sacripant ! Je finirais bien par t’avoir ! Saperlipopette !« ) étaient un « tue-l’amour ». Bref, le générique était sympa mais le contenu me laissait froid (à comparer le Fantôme de l’Espace et Mightor étaient tellement plus top). Un autre feuilleton, par contre, me faisait l’effet totalement inverse. Le dimanche 9 janvier 1977 (je n’ai pas la mémoire des dates à ce point-là mais vive internet pour ça) je découvrais le premier épisode de… Wonder Woman. Et autant les comics de DC me laissaient généralement froid à l’époque, autant cette série me semblait rendre justice à l’héroïne (que je connaissais par ailleurs à peine, sa publication étant à l’époque aléatoire. J’avais du la croiser surtout dans des apparitions de la Justice League). Il y a avait ce côté « Ceux-là on peut leur taper dessus sans remord, ce sont des nazis » et puis Lynda Carter (Wonder Woman) qui courrait aussi bien que les nymphettes plus tardives d’Alerte à Malibu. Que le « bon » Marvel loupe son passage à l’écran tandis que le « mauvais » DC le réussissait me laissait perplexe. Pourtant, on ne peut pas franchement qualifier cette série de « Science-fiction ». Si les aventures de l’amazone Diana étaient sympathiques, ce n’étaient pas elles qui allaient me faire un effet mémorable en termes de SF…
La Guerre des Etoiles (Star Wars) avait ceci de particulier qu’à l’époque j’avais été jugé un poil jeune pour qu’on me traîne voir les premiers émois de Luke Skywalker (« Mais Luke bon sang, c’est ta sœur !« ) au cinéma. Heureusement il restait l’adaptation en BD de Marvel, qu’on trouvait en France (si ma mémoire est bonne) dans les pages de Téléjunior mais aussi dans un mini album paru chez Lug. Je connaissais donc l’histoire et, entre les figurines, la reproduction du « Chasseur à Ailes X » et les cassettes Minicinex (un système à cassettes rouges où il fallait tourner la manivelle pour projeter les images, sans son, ce qui revenait à faire de Star Wars un film muet, une invention de malade mentale) je reconstituais le tout. Mais pas forcément avec la force (pardon… la FORCE) qu’aurait plus tard un Empire Contre-attaque. Non, la claque qui m’attendait le 3 juillet 1978 en fin de journée était d’un tout autre niveau. D’un seul coup s’élevait un générique hyper-dynamique, épique même, avec des relents de chant guerrier. Un truc digne d’une marseillaise cosmique, d’un chant révolutionnaire intergalactique, martial à souhait, (non sérieux, imaginez ça chanté par les Cœurs de l’Armée Rouge et vous verrez la puissance de cet air) s’élevait tandis que le personnage central y allait franco. Il éventrait, décapitait ses ennemis à coups de hache. Et là si vous êtes trop jeune pour avoir connu çà, vous vous demandez sans doute qui, chez Antenne 2, avait pu pêter un cable pour nous diffuser Massacre à la Tronçonneuse dans une émission pour enfants. Mais non. Le dessin animé en question était d’un ordre totalement différent…
Le 3 juillet 1978 Goldorak fait sa première apparition à la télévision française et moi je suis sur le cul (normal, j’étais assis vous me direz…). Sur l’écran des ovnis géants à l’allure bestiale s’affrontent et un robot cornu déplie ses astéro-haches pour faire le ménage, frappant, tranchant… Enfin bon, ce sont des robots qu’on éventre donc « ce n’est pas sale », c’est permis. C’est encore moins violent que lorsque Wonder Woman tapait sur des Nazis. Ce dessin animé nippon me fait un peu l’effet de la lecture de Strange #27 quelques années plus tôt. Je prends l’apparition de Goldorak, piloté par un mystérieux Prince de l’Espace, comme un signe que le côté acide que je trouvais dans les comics (et pas dans le dessin animée de l’Araignée) est possible à l’écran. Et d’ailleurs rétrospectivement le voisinage entre les deux univers n’est pas si éloigné. Même si Actarus, le pilote de Goldorak, n’était pas un faible geek comme Peter Parker, il avait une identité secrète. Et l’irascible fermier Rigel avait des points communs avec J.J. Jameson. Parfois, dans des manifestations « mixtes » comme la Japan Expo/Comic Con, je vois des collectionneurs de comics regarder d’un œil noir les cosplays manga qui « osent » s’aventurer dans les files d’attente des auteurs américains mais je me demande s’ils réalisent bien à quel point les deux univers sont au contraire voisins… Il y a un avant et un après Goldorak. Et mes deux étagères qui contenait tous mes Strange, Titans, Nova (parce qu’à l’époque ca tenait encore sur deux étagères) allaient vite accueillir une foule de robots en métal. Pas seulement Goldorak et sa soucoupe mais aussi Raydeen, Danguard Ace, Mazinger et quelques dizaines d’autres.
A un moment tout ça va s’arrêter forcément. Actarus va retourner sur sa planète, Euphor, pour la repeupler avec sa sœur, Phénicia. Euh… Wait. Pour la repeupler avec sa sœur, Phénicia ? (« Mais Actarus bon sang, c’est ta sœur ! Tu n’étais pas à l’école avec Luke Skywalker des fois ?« )… Mais bref, en dehors des mœurs particulières de la famille princière d’Euphor, Goldorak est le maillon important. Cosmos 1999 m’avait ouvert les portes de la SF, Goldorak va me maintenir le nez dedans, des fois que j’aurais voulu allez voir ailleurs. A travers Goldorak, après Goldorak, il va y avoir la lecture assidue de la collection Anticipation de Fleuve Noir, la collection SF de J’ai Lu, Philip K. Dick, Gene Wolf ou même G.R.R. Martin (« Mais Jaime Lannister bon sang, c’est ta sœur ! Me dis pas que tu veux repeupler Euphor ?« ). S’il n’y avait eu que le dessin animé de l’Araignée pour me retenir, allez savoir, même si j’aurais continué de lire des comics et de la SF ? Pas sur.
C’est clair que Goldorak, à l’époque (même si je suis plus jeune) :c’était quelque chose…. Ma mère en parle encore du fait que je la gavais avec ce DA (même si depuis le manga et moi ca fait 2).